Le prince oublié (extrait)


Prologue

Ses pattes s’enfoncèrent dans la boue lorsqu’elle s’arrêta pour lever son museau vers le ciel noir. Elle ferma les yeux pour empêcher les gouttes de pluie d’y tomber, mais aussi pour mieux se concentrer. La louve inspira profondément, puis retrouva ce qu’elle avait perdu : l’odeur d’une proie. Cette odeur lui était parvenue alors que la meute revenait de la chasse. Bien que sa panse ait été assez remplie pour nourrir tous les petits, la louve avait été attirée par ce parfum si… différent. Elle s’était donc éclipsée pour s’enfoncer dans le sous-bois. Mais, maintenant qu’elle se savait proche du but, la louve hésitait. L’odeur avait quelque chose d’étrange… Elle sentait la proie, mais aussi le prédateur. La louve agita les oreilles et souffla bruyamment. Finalement, elle se glissa entre deux buissons aux branches affaissées par l’eau de pluie. C’est là qu’elle le vit. Recroquevillé entre un tronc d’arbre et un gros rocher, il y avait un de ces êtres qui marchaient sur deux pattes. Mais, contrairement à ceux que la louve avait déjà vus, celui-là était tout petit. Quand elle s’approcha de lui, le petit être marchant sur deux pattes sursauta. Sa bouche s’ouvrit légèrement et des gémissements en sortirent. Ces bruits ressemblaient à ceux que poussaient les louveteaux lorsqu’ils étaient effrayés. La louve s’accroupit donc et continua à s’approcher, le ventre frôlant le sol. Le petit se recroquevilla encore plus. La louve s’immobilisa à un pas de lui et l’observa de ses yeux d’ambre. Il avait la peau pâle, des yeux rougis par l’eau de pluie qui y était tombée – ou peut-être était-ce leur couleur naturelle? – et sa fourrure rouge ne couvrait que le dessus de sa tête et une petite partie au-dessus de chaque œil. Il hoquetait souvent et à chaque fois, son petit corps était secoué. La louve fit alors ce que seuls quelques loups oseraient faire : elle étira le cou et lécha les pattes avant du petit. Ce dernier se figea soudain et, tout aussi soudainement, il se jeta sur la louve, enserrant le cou de l’animal avec ses courtes pattes. La louve resta immobile un moment, attendant que les sursauts et les tremblements du corps du petit cessent. Puis, elle émit un petit jappement en envoyant la tête vers l’arrière. L’être marchant sur deux pattes finit par la lâcher. Comme la louve restait accroupie, il hésita. Alors, lentement, il se hissa sur le dos de l’animal. Dès que la louve sentit le petit s’accrocher à elle, elle se releva et déguerpit vers l’Est, vers leur repère. Le petit être marchant sur deux pattes faisait maintenant partie de la meute.

Chapitre 1, La rencontre
Le Rôdeur sourit en s’assurant que la capuche de sa cape cachait bien ses yeux. « Ça va être un jeu d’enfant… », pensa-t-il. Il s’accroupit et posa ses mains dans l’herbe constellée de gouttes de rosée. Il regarda le bâtiment devant lui, construit en briques rouges. Une unique porte, en fer, du côté Ouest permettait d’entrer. À moins qu’il passe par une fenêtre… Les fenêtres étaient grandes et recouvertes d’un grillage. Ce serait trop long de tout décrocher et d’entrer par la suite. Sauf s’il pouvait retrouver la bonne fenêtre. Il avait déjà arraché son grillage et brisée la vitre lors d’une expédition précédente, en préparation pour ce soir… Oui, c’est ce qu’il ferait. L’adolescent se laissa descendre le long de la colline rendue glissante par l’eau recouvrant l’herbe. Se faisant, il retint son capuchon d’une main, le vent soufflant doucement. Puis, le Rôdeur entendit un hurlement de loup. Il se mordit la lèvre pour s’empêcher de répondre à l’appel d’Anouka. Anouka était une jeune louve qui n’avait pas encore atteint l’âge adulte. Elle avait un pelage blanc comme la neige, mais sa truffe et son museau étaient d’un noir de jais. Elle n’aimait pas ignorer où se trouvait son frère de meute. Elle détestait ça, même. Et le Rôdeur détestait ne pas pouvoir la rassurer. La louve hurla de nouveau. L’adolescent ouvrit la bouche pour répondre à l’appel, mais il se mordit la langue exprès. « Non… Je la verrai dans un instant… », se dit-il. Il se releva et s’approcha en silence de la fenêtre fracassée. Après avoir évalué la force nécessaire pour son élan, il recula de quelques pas. Il se mit à courir. Rendu à un mètre du mur de briques, il sauta et s’accrocha au mur. Il grimpa quelques mètres encore et s’arrêta. Puis, il respira un bon coup et poussa sur le mur avec ses pieds, assez fort pour lui permettre d’exécuter une pirouette qui le propulserait sur le bord de la fenêtre. Ses pieds touchèrent la brique rêche et il faillit perdre l’équilibre. Il se retint de justesse au cadre de la fenêtre où pointaient encore quelques morceaux de verre. Il soupira et se faufila dans le bâtiment par cette entrée. Il se laissa tomber et atterrit sur un plancher de pierres froides. Lors de la chute, son capuchon était retombé sur ses épaules, révélant sa véritable identité : Polux, l’adolescent aux cheveux écarlates et aux beaux yeux rouge sombre. Le Rôdeur leva les yeux au ciel, exaspéré que son identité soit ainsi révélée, et le rabattit sur sa tête. Il regarda autour de lui. La lumière de la pleine lune provenant de la fenêtre brisée ne permettait de distinguer clairement que le plancher de la salle. Soudain, Polux entendit du verre se briser. Un fragment vint glisser jusqu’à ses pieds. Le Rôdeur le fixa un instant, puis releva la tête pour regarder devant lui. Il posa la main sur le manche de son sabre, accroché à sa ceinture, qui était de travers. Il aurait peut-être besoin de se défendre… Il avança alors lentement. Après quelques pas, il se figea. À moins de trois mètres devant lui, quelqu’un s’affairait à il ne savait quoi. L’individu était de dos et n’avait pas entendu Polux. C’est alors que l’adolescent compris une chose : celui qui se tenait devant lui était ici pour se procurer l’objet qu’il convoitait lui-même. Polux dégaina son sabre. Avant que l’autre ne puisse réagir, le Rôdeur l’avait attrapé par l’épaule pour le retourner et lui avait mis la lame sous le menton. À ce moment, le garçon s’immobilisa. Son adversaire portait lui aussi une cape à capuchon. Ce capuchon était retombé lorsque Polux l’avait fait se retourner. Le voleur s’était alors avéré être une voleuse! Malgré la situation, le Rôdeur se sentit tomber sous le charme de ce qu’il voyait. Une peau lilas, de grands yeux violets et un petit nez fin.
-Oh, je frappe pas les filles, dit-il en la relâchant.
-Dommage, répondit-elle, parce que moi, je frappe les gars.
Et elle assena à Polux un coup de pied au torse. L’adolescent tomba à la renverse et se cogna la tête sur le sol. Il se redressa sur ses coudes, étourdi. Puis il vit la fille saisir le sabre qu’il était venu chercher. Et avant qu’il n’ait retrouvé ses esprits, elle s’était mise à courir et avait sauté par la fenêtre. « Génial…! pensa Polux. Vraiment génial! » Il se laissa choir à terre et soupira : son capuchon était encore retombé.

Moins de dix minutes après avoir quitté le vieux bâtiment, Polux entendit un autre hurlement de loup. Cette fois, il envoya la tête vers l’arrière et hurla à son tour, imitant le cri de l’animal. Après quelques minutes d’attente, Anouka apparut, la langue pendante et les oreilles pointant vers l’avant. Sans même laisser une chance à Polux de se défendre, elle se dressa sur ses pattes postérieures et se jeta sur lui, le faisant tomber à la renverse. Elle se mit à lui lécher les joues et alors que Polux tentait de la repousser, elle cessa soudainement de le couvrir de bave. Elle agitait les oreilles et poussait de petits gémissements en regardant les mains de son frère de meute. Polux jeta un œil aux coupures qu’il s’était faites en tombant lors de son cambriolage. Ou plutôt, lors de sa tentative de cambriolage…
-Je vais bien, ma belle…, murmura-t-il pour rassurer la louve. Seulement des éclats de verre. Et tu sais bien que je cicatrise très vite.
C’était quelque chose que l’adolescent avait remarqué plusieurs années auparavant, lorsqu’il avait essayé de grimper au sommet d’un arbre. Il n’y était pas arrivé et avait fait une chute d’une hauteur vertigineuse. Cela lui avait coûté une énorme plaie ouverte, qui étonnement, avait disparu au bout de quelques jours. Cette remarque sembla calmer Anouka qui recula afin que Polux puisse se relever. Le garçon s’exécuta et fixa sa sœur dans les yeux. De grands yeux bleus où commençaient à apparaître des taches dorées, la couleur du regard des loups adultes. Anouka se plaqua alors au sol en aboyant et en agitant la queue.
-Non, j’ai pas envie de jouer…, soupira Polux en la contournant.
Il traîna les pieds jusqu’à un grand érable, s’adossa au tronc et se laissa glisser à terre. Anouka trottina jusqu’à lui et lui enfonça son museau dans le cou, mais Polux se mit à maugréer en la repoussant. La louve, honteuse d’avoir déplu à son frère, baissa la tête en gémissant.
-Non…, s’excusa Polux en s’agenouillant.
Il prit la tête de l’animal entre ses mains et déposa un baiser sur le bout de son nez. Anouka lui pardonna immédiatement et comprit qu’il n’avait pas la tête au jeu. Elle alla donc s’allonger aux côtés de Polux et posa la tête sur ses pattes antérieures. Elle regarda son ami du coin de l’œil pendant une seconde et serra les paupières. Polux sourit, ferma les yeux et s’endormit.

Pendant que Polux dormait, Anouka surveillait les environs. Si quelqu’un osait attaquer son protégé…! Alors elle restait là, à attendre, sans trop remuer pour ne pas réveiller l’adolescent. Les oreilles pointant dans tous les sens, elle reniflait l’air. Elle pouvait tout sentir à des kilomètres à la ronde. Elle respirait l’odeur des montagnes, celle du soleil levant qui caressait son pelage… Le vent lui parlait, la rivière chantait et lorsque des orages éclataient, le tonnerre lui hurlait son mécontentement. La nature entière était en constante communication avec elle. Le vent lui apporta alors un faible bruit. Des branches craquaient. Anouka pouvait aussi entendre une respiration haletante. La louve montra les crocs et grogna. Elle se releva. Et si on voulait du mal à son jeune maître…?

Polux ouvrit les yeux. À côté de lui, Anouka s’était dressée et grognait, les oreilles plaquées sur sa tête. Ses poils étaient hérissés sur son corps et ses yeux s’étaient assombris. Le Rôdeur entendit alors des branches craquer à intervalles réguliers. Des pas. Polux se redressa brusquement, les mains et un genou à terre. Il jeta un regard à Anouka qui signifiait qu’elle devait partir. Toutefois, la louve fit quelques pas en avant, comme si elle voulait se placer devant lui.
-Non, fiche le camp! ordonna Polux.
La louve tourna la tête vers lui et le regarda droit dans les yeux. Elle gémit.
-T’inquiète pas pour moi.
Elle sembla hésiter un instant, reculant de quelques pas. Elle pivota lentement, mais ne quitta pas Polux des yeux. Ce dernier lui fit signe qu’il ne voulait plus la voir ici. Puis finalement, elle disparut dans les profondeurs de la forêt.

Polux resta immobile. Il regardait autour de lui, s’attardant sur les endroits que le soleil n’atteignait pas encore. Soudain, une ombre se jeta sur lui et il se retrouva plaqué au sol, les bras le long du corps.
-Qu’est-ce que tu fais ici? s’exclama son agresseur.
Il portait une cape à capuchon, un peu comme celle de Polux, mais dont le cuir était couleur fauve. Le capuchon était rabattu sur sa tête et tout ce que Polux put distinguer fut la longue mèche de cheveux violets qui vint lui frôler la joue.
-C’est plutôt moi qui devrais te poser cette question…, répliqua-t-il en souriant.
Il jeta un coup d’œil à ses bras, maintenus à terre par la poigne de la jeune fille. La peau était lilas. Le Rôdeur ajouta :
-C’est toi qui m’as piqué le sabre hier soir, enh?
-Non, je te l’ai pas piqué, répondit sèchement la fille en appuyant sur les bras du Rôdeur, comme si elle avait voulu les enfoncer dans le sol. Pas à toi, en tout cas…
Polux observa à tour de rôle ses bras et le visage, à peine visible sous la capuche, de l’adolescente.
-Pas mal pour une fille…
Il se redressa lentement sans même se défaire de la poigne de l’autre. Une fois assis, son sourire s’élargit.
-… mais pas assez forte pour moi.
La fille le lâcha et posa ses mains sur ses genoux. Il y eut quelques secondes de silence durant lesquelles les deux adolescents s’observaient, sans toutefois apercevoir autre chose que le bas du visage de l’autre. Finalement, Polux leva lentement la main et approcha ses doigts de la joue de la fille. Celle-ci ne bougea pas lorsqu’il saisit le capuchon de sa cape et le tira vers l’arrière. Il sourit en reconnaissant le joli visage de la veille.
-Pour qui tu te prends? demanda l’adolescente en le fusillant du regard.
Polux leva les sourcils et répondit :
-Pour le Rôdeur, qu’est-ce que tu crois?

Fin de l'extrait!
Pour connaître la suite, procurez-vous Le prince oublié, disponible en librairies!

6 commentaires:

  1. J'ai adoré ce livre, j'ai bien hâte d'avoir le temps de lire les deux autre.

    ps : un autre endroit pour parler de ton livre

    http://www.seriesfantastiques.com


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    1. Wow, je viens de m'apercevoir que je n'ai jamais répondu à ton commentaire!
      Je suis vraiment désolée!!! Mais merci beaucoup! ^.^''

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  2. Réponses
    1. Hum. Très bonne question.

      J'imagine que c'est entre autres parce que j'ai toujours été quelqu'un de très rêveur. Je suis souvent dans la lune, aussi, à m'imaginer plein de trucs (si, si, parfois, à l'école, quand je m'ennuyais dans un cours, il m'arrivait d'imaginer qu'un assassin professionnel ou un type du genre faisait irruption dans ma classe, et alors je devais me battre pour sauver ma peau! Sans blague!)

      Plus sérieusement, je lis beaucoup, aussi. Je suppose qu'à force de lire toutes sortes de romans, ça m'aide à trouver des idées originales.

      Aussi, ça peut paraître fou, mais je pense TOUJOURS à mes histoires. 24/24, 7/7. Peu importe ce que je fais, il y a toujours Polux, ou d'autres personnages, dans un recoin de mon esprit. Je me demande toujours ce qui pourrait leur arriver, quels ennemis ils devront affronter, etc. Ça me travaille constamment.

      Toutefois, il n'y a pas de "recette miracle". La source d'inspiration doit varier pour chaque auteurs qui existent. Si tu as l'intention d'écrire une histoire et que tu as besoin d'un conseil, tout ce que je peux te dire est d'y aller un pas à la fois. Dans le cas de ma série Polux, ce sont les personnages qui me sont apparus en premier. J'avais envie de faire une histoire où le héros serait un garçon. J'ai pensé à tout ça, et ce n'est que par la suite que j'ai imaginé l'univers et la trame de l'histoire.

      Voilà, je crois que c'est comme ça que je trouve toutes mes idées! En y allant petit à petit ^.^ Je ne sais pas si c'est ce que tu voulais, mais si tu as besoin de conseils, n'hésite surtout pas!

      Au plaisir!

      Aude :)

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  3. tres bon livre mais il y avait des passage qui etait melangant et que je savais pus qui parlait mais tres bon livre

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    1. Merci de ton commentaire! En effet, l'écriture du tome 1 de Polux remonte à loin et ma plume était un peu moins développée en ce temps-là... Hahaha!
      Si ça t'intéresse, je te rassure : les prochains tomes sont plus clairs - et bien meilleur! ;)

      Encore merci de ton commentaire!

      Aude :)

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